Nikozitambirwa

Friday, February 10, 2006

SOS TABARA: « Transfert au Rwanda des détenus condamnés par le TPIR »


SOS TABARA – HELP, asbl Bruxelles, le 10 juillet 2004
Rue Belgrade, 134
1060 BRUXELLES
Email : sostabara@hotmail.com


Monsieur le Président de l’Assemblée Générale des Nations Unies,
New York.

Monsieur le Secrétaire Général des Nations Unies,
New York.



Objet : Transmission du document « Transfert au Rwanda des détenus condamnés par le TPIR. »



Monsieur le Président,

Monsieur le Secrétaire Général,


L’association « SOS TABARA – HELP » a pris connaissance du projet du TPIR qui, initié à la demande du gouvernement rwandais, voudrait transférer au Rwanda les détenus du TPIR déjà condamnés, pour y purger leurs peines.

Nous trouvons que ce projet est extrêmement dangereux pour diverses raisons. D’une part, le projet est grave, non seulement pour les prisonniers concernés, mais aussi pour la crédibilité de la Communauté internationale. D’autre part, la situation de la justice au Rwanda est très préoccupante. Reflet du manque total de démocratie au Rwanda, la Justice rwandaise est réduit à un simple instrument pour terroriser la population et ainsi renforcer le régime dictatorial et fasciste du FPR. Enfin, l’état des prisons rwandaises qualifiées aujourd’hui de « Prisons-Mouroirs », est plus qu’inquiétant : surpopulation carcérale, épidémies, disparitions organisées des détenus, taux de mortalité très élevé, alimentation insuffisante et risques d’inanition, etc.

Le gouvernement de Kigali veut le transfert de ces prisonniers pour les faire disparaître, et il a été constaté que le régime FPR n’a jamais respecté la parole donnée, la politique du mensonge étant devenue son système de gouvernement. En effet, ce régime n’a jamais accepté que le TPIR ne prononce pas la peine de mort, allant même jusqu’à refuser de reconnaître ce tribunal international.

Pour toutes ces raisons, nous vous prions, Monsieur le Président, Monsieur le Secrétaire Général, d’intercéder pour arrêter ce projet qui nous semble tant cynique qu’inopportun.

Vous voudrez par ailleurs lire le document que nous vous transmettons en annexe et intitulé, « Transfert au Rwanda des détenus condamnés par le TPIR. » et vous en souhaitons bonne réception.



Veuillez agréer, Monsieur le Président, Monsieur le Secrétaire Général, l’expression de notre très haute considération.






Pour SOS TABARA – HELP, asbl.
Bède BICAMUMPAKA
Président

Copie pour information :

Sa Sainteté le Pape Jean-Paul II.
Monsieur le Président des Etats Unis d’Amérique.
Monsieur le Président de la République Française.
Monsieur le Président de la Fédération de Russie.
Monsieur le Président de la République Populaire de Chine.
Monsieur le Premier Ministre du Royaume-Uni.
Monsieur le Chancelier de la République Fédérale d’Allemagne.
Monsieur le Premier Ministre des Pays-Bas.
Monsieur le Premier Ministre du Royaume de Belgique.
Monsieur le Président de l’Union Africaine.
Monsieur le Président de la Commission de l’Union Européenne.
Monsieur le Président du Parlement Européen.
Monsieur le Secrétaire Général de la Francophonie.
Haut Commissaire des Nations Unies chargé des Droits de l’homme.
Commissaire Européen aux Droits de l’Homme.
Monsieur le Président du TPIR.























“SOS TABARA – HELP, asbl.”
Rue de Belgrade, 134
1060 Bruxelles


















transfert AU Rwanda deS DETENUS condamnés par le TPIR.


















Bruxelles, le 10 Juillet 2004


TABLES DES MATIERES

1. Introduction………………………………………………………………………………p 5

2. Idéologie politique du FPR : Annihiler le bas peuple. …………………………p 6

2.1 Elaborer une politique de mensonge et de désinformation. ………………......p 7

2.2 Créer impérativement une situation appropriée à l’intérieur du pays pour ses desseins. …………………………………………………………………..………………….p 8
· Obtenir une victoire militaire totale pour s’assurer d’un pouvoir sans partage.
· Appliquer la politique de « Terre brûlée » dans les zones conquises.

2.3 Assurer la suprématie économique des Tutsi. ..………………………………....p 8
· Une remise en question de la propriété privée dès la victoire du FPR.
· Une politique de change monétaire très injuste de janvier 1995.
· Des tracasseries subies au quotidien par les commerçants hutu.
· Une réforme agraire et des privatisations sauvages de grands projets agricoles.

2.4 Au niveau socio-politique, museler la population, les partis politiques et la presse …………………………………………………………………………………………………..p 8

2.5 Dominer le système judiciaire et en faire un outil politique de répression et d’intimidation. ………………………………………………………………………..………p 10
· Assassinats des magistrats hutu.
· Une justice bloquée volontairement et délibérément.
· Epuration ethnique par le biais des prisons-mouroirs couplées au blocage de la justice.
· Manipulations et ingérences flagrantes du régime FPR au sein du TPIR.
· Les Gacaca sont devenus des Tribunaux d’Exception.
· Nostalgique du système de servage d’antan, le FPR veut le réinstaurer.

3. Exclusion des moins nantis des villes en commençant par celle de Kigali…..p 12

3.1 Quand être pauvre dans son pays devient un crime ! ……………………….….p 12

3.2 Une politique délibérée, cynique et complètement irresponsable. ……..…….p 12

4. Sur le transfert au Rwanda des Prisonniers du TPIR. ………………….…….…p 13

4.1 Le FPR est le véritable responsable du Drame Rwandais. ………….……….…p 13
4.1.1 Assassinat du Président Habyarimana. ………………………………………..…... P 14
4.1.2 Massacres des populations civiles. …………………………………………………P 14

4.2 Des Prisons-Mouroirs au Rwanda. …………………………………………………p 14
4.2.1 Des tentatives pour diminuer la surpopulation carcérale. ……………………….. P 16
4.2.2 Une demande de transferts pour programmer la mort des prisonniers. …….….P 17

4.3 Sur la justice rwandaise : expéditive, vindicative et inefficace. …………..…..p 18
4.3.1 Problématique de la justice rwandaise. …………………………………..…….…..p 18
4.3.2 Le TPIR sous l’influence de Kigali. ……………………………………………..…..p 18

5. Conclusion. …………………………………………………………………….….…….p 19




transfert AU Rwanda deS DETENUS condamnés par le TPIR.


1. Introduction.

En date du 24 mai 2004, une délégation conduite par Roland Amousouga, porte-parole et chef des relations extérieures et de la planification stratégique au Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR), a entamé une visite de 5 jours au Rwanda. Provenant d’Arusha, siège du Tribunal, la délégation devait « évaluer les centres de détention rwandais en vue d’un éventuel transfert de condamnés dans ce pays », mais « avoir également des entretiens avec des responsables de la justice rwandaise »[1]. Le 20 mai 2004, M. Amoussouga avait affirmé que le Rwanda et le TPIR avaient entamé un « dialogue » à ce sujet, mais que « c’est au Président du TPIR », Eric Mose, de décider du transfert d’un condamné. Ceci veut dire donc que ce projet est déjà fort avancé. Jusqu’à présent, aucun condamné n’a été transféré au Rwanda. En effet, le TPIR n’a actuellement que six condamnés qui tous purgent leurs peines à l’étranger, notamment au Mali, l’un des six pays qui ont déjà signé des accords pour accueillir les prisonniers de ce Tribunal. Les cinq autres pays sont le Bénin, le Swaziland, la France, l’Italie et la Suède. D’où il est légitime de se demander pourquoi une telle hâte concernant le transfert des prisonniers du TPIR au Rwanda, dans la mesure où il n’y a aucune urgence, les condamnés n’étant encore qu’en nombre dérisoire, et qu’en plus, d’autres pays, plus neutres, s’étant déjà déclaré prêt à les accueillir. D’ailleurs, même « les avocats de la Défense officiant au TPIR ont dénoncé les négociations en cours en vue d’un éventuel transfert dans les prisons rwandaises de condamnés de juridiction onusienne ». (…) En effet, « Des membres du régime Kagame sont soupçonnés des mêmes crimes pour lesquels les détenus du TPIR sont poursuivis par les Nations Unies », affirme l’Association des avocats de la Défense (ADAD). Et de poursuivre : « Les négociations entre l’ONU et le régime de Kagame sur le sort des détenus du TPIR rendent les Nations Unies directement complices de la couverture des crimes du régime Kagame ». Non seulement « Transférer des condamnés du TPIR au Rwanda reviendrait à les placer sous le contrôle de personnes suspectes de crimes de guerre », mais aussi « un tel transfert serait une abdication massive des Nations Unies »,[2] conclut le communiqué de l’Association.

Dès lors, il y a lieu de se demander s’il est vraiment opportun de transférer au Rwanda les condamnés détenus par le TPIR. Notons cependant que le Statut régissant ce Tribunal international, en son article 26, offre la possibilité de transférer au Rwanda les détenus condamnés par cette juridiction onusienne. Le même article autorise le transfert des mêmes détenus dans d’autres Etats qui en ont manifesté formellement le désir auprès du Conseil de sécurité, étant entendu que ces Etats militent en faveur du respect des droits de l’homme. Or, le Rwanda n’en est pas un : la peine de mort y est toujours appliquée, les conditions carcérales y sont dégradantes (surpopulation, violences et brutalités, disparitions des détenus, …)[3], l’insécurité y est permanente, … C’est d’ailleurs pour toutes ces raisons que le Conseil de Sécurité de l’ONU a créé et installé le TPIR hors du Rwanda, dans un pays où la sécurité des prévenus et des détenus pouvait être garantie.

Il y a donc des motivations inavouées derrière cette initiative aussi soudaine qu’inopportune ; l’objet de notre réaction à travers ce document est d’essayer de montrer entre autres que le régime de Kigali est et reste non respectueux des droits de l’homme. En effet, on peut se demander avec raison si aujourd’hui, le vrai problème du TPIR est de trouver où héberger ses prisonniers condamnés – rappelons qu’ils ne sont que six – ou plutôt si, sous l’influence du gouvernement rwandais, il ne s’agirait pas d’une initiative qui s’intègre parfaitement dans l’Idéologie politique globale du FPR en vue de parachever son plan macabre dont les grandes étapes seraient : l’humiliation des Hutu où qu’ils soient en les habillant du génocide (gusiga ibara libi) et en commençant par l’élite, l’organisation et la planification de leur paupérisation généralisée en vue de leur asservissement comme avant les années 50, et enfin leur avilissement en les réduisant au rang des sous-êtres. Ainsi ils ne pourraient plus exercer le pouvoir dans leur pays. En effet, lorsque les droits de l’homme sont déniés à un groupe social, les membres de ce dernier sont considérés comme faisant partie de la faune locale que l’on peut chasser à volonté tant qu’elle reste abondante. C’est dans cette optique que les Indiens d’Amérique, ou encore les peuples Aborigènes d’Australie ont été décimés. Cela appartient déjà à l’histoire, mais que la même situation se reproduise au 21ème siècle, au su et au vu de l’autorité morale et politique de la Communauté internationale, cela dépasse tout entendement.

Nous verrons successivement cette idéologie politique du FPR où l’axe « Justice » est exploité uniquement à des fins plus que douteuses, puis nous parlerons de sa politique d’exclusion des masses populaires des centres urbains en commençant par Kigali, et enfin de l’initiative du transfert au Rwanda des prisonniers du TPIR.


2. Idéologie politique du FPR : Annihiler le bas peuple.

Le Front Patriotique Rwandais (FPR) qui, aidé de la National Resistence Army (NRA), armée ougandaise, a déclenché une attaque militaire contre le Rwanda le 1er octobre 1990, est un mouvement politico-militaire issu de l’Union Nationale Rwandaise (UNAR). Ce dernier était un parti de la monarchie absolue rwandaise qui, vers la fin des années 50, période correspondant à l’émancipation des masses populaires et à la préparation de l’accession à l’indépendance du pays, ne voulait partager en aucune façon le pouvoir avec les autres composantes de la société rwandaise. Son programme politique se bornait à sauvegarder les privilèges des monarques tutsi, usant, au besoin, de la force et de la terreur pour intimider et épurer les masses hutu, notamment en éliminant leurs leaders. Les notables de la monarchie absolue considéraient alors l’UNAR comme obligatoirement le parti de tous les Rwandais, et quiconque osait adhérer à un autre parti politique était considéré comme un ennemi du pays (Inyangarwanda), comme le montre un extrait des conclusions du grand meeting de ce parti qui s’est tenu le 13 décembre 1959 à Nyamirambo (banlieue de la ville de Kigali), « (…), luttons contre les autres Banyarwanda qui ne sont pas de ce parti, parce qu’ils sont contre l’unité, contre le Rwanda, contre le Mwami, contre les coutumes du pays. »[4]

Ceux-ci devaient alors être châtiés (bastonnade, dépossession de leurs biens, voire être tués). C’est ainsi que les premiers leaders hutu comme Mukwiye Polepole, Secyugu, Sindibona, … furent assassinés ; certains furent même poursuivis à l’étranger pour y être aussi assassinés. Plusieurs tentatives de réconciliation, initiées par l’autorité de tutelle et par les Nations Unies, furent vaines. Rendant tout dialogue et tout compromis impossibles, le comportement jusqu’au-boutiste, suicidaire et complètement irresponsable de l’UNAR plongea le Rwanda dans l’une des pages les plus sombres de son Histoire. Ce parti monarchiste finira par perdre la bataille sur tous les fronts (politique, militaire et diplomatique) et se résoudra à l’exil, dans l’attente des jours meilleurs. En 1979, l’UNAR devint RANU, simple traduction littérale anglaise de son nom en français (Rwandese Alliance for National Union). En 1987, ce parti politique va absorber toutes les autres petites associations de la diaspora tutsi pour former ensemble le FPR. L’idéologie cachée de cette nouvelle organisation est le rétablissement de l’ordre ancien, où le Tutsi régnerait de manière absolue sur le Hutu rendu corvéable à merci, comme avant l’indépendance. Le Tutsi bénéficierait alors d’une suprématie politique, économique, culturelle et judiciaire. En réalité, suite à une victoire militaire, c’est un retour déguisé de la monarchie absolue qui ne dit pas son nom, puisque la forme républicaine de l’Etat rwandais sera maintenue pour notamment berner la Communauté internationale. Théoriquement, il y a séparation des trois pouvoirs, mais dans la pratique, c’est le pouvoir absolu d’un homme en la personne du général Paul Kagame. Parlant des élections présidentielles de 2003 au Rwanda, lorsque Colette Braeckman[5] traite de Kagame de nouveau « Mwami » du Rwanda, elle le fait en connaissance de cause, allant jusqu’à lui chanter ses panégyriques : « Cet homme est grand, il appartient déjà à l’histoire … ». Notons que C. Braeckman n’est pas la première à parler de ce faux monarque. En 1998, Bernard Debré[6] ne parlait-t-il pas déjà, dans son livre, du « retour du Mwami » ? En effet, ce « Président de la République » est le propriétaire exclusif du Rwanda, et il a le droit de vie et de mort sur tous les citoyens rwandais. De ce point de vue, appeler le Général Paul Kagame un Monarque Absolu est une réalité évidente.

Dans cette perspective, avant de déclencher la guerre d’octobre 1990, le FPR a dû élaborer une stratégie globale qui puisse lui assurer la réussite de ses plans, et dont les élément saillants sont répertoriés dans les lignes qui suivent.

2.1 Elaborer une politique de mensonge et de désinformation.

Endoctriner la Presse internationale et convaincre la Communauté internationale d’ « écouter ce que le FPR dit et de ne pas voir ce qu’il fait », et en parallèle diaboliser le régime intérieur du pays. Ce mouvement y a tellement réussi que ses défauts ont été pris pour des qualités, et on a fait endosser ses crimes, parfois très graves, à la partie gouvernementale. Ce qui crée une très grande confusion dans la tragédie rwandaise et décourage quiconque voudrait y voir un peu plus clair. Evidemment en cela, le FPR a été fortement aidé par les puissances qui le sponsorisent, et qui, elles aussi ont, dans ce conflit, leurs agendas cachés. Dans sa politique de mensonge et de désinformation, le FPR savait pertinemment qu’il ne sera pas découvert de l’extérieur car, de part les convictions héritées de ses ancêtres, le Tutsi reste convaincu que les étrangers, les occidentaux en particulier, ne sont pas intelligents dans l’art de mentir. Voici ce qu’en dit notamment Stanislas Bushayija[7], un abbé tutsi qui fait une analyse pertinente de son groupe ethnique : « A vrai dire, les principes d’équité que les Belges voulaient faire prévaloir dans le domaine de la justice, de la propriété, de la liberté et des droits de la personne humaine quelle qu’elle fût, déroutèrent le Mututsi et le firent douter de la finesse de l’Européen. Celui-ci lui parut plus un technicien, une sorte de magicien qu’un diplomate, comme le prouvent les expressions kinyarwanda encore courantes : Abazungu ntibazi ubwenge (les Européens ne sont pas malins), ubwenge bw’abazungu (intelligence européenne). Si le Mututsi reconnaît à l’Européen ses compétences dans le domaine technique, - électricité, physique, mathématique, etc., - s’il lui reconnaît l’intelligence du livre (ubwenge bwo mu gitabo), il déplore son absence de finesse d’esprit. Savoir travestir la vérité, donner le change sans éveiller le moindre soupçon est une science qui fait défaut à l’Européen et que le Mututsi est fier de posséder ; le génie de l’intrigue, l’art du mensonge sont à ses yeux des arts dans lesquels il s’enorgueillit d’être fort habile : c’est là le propre du Mututsi … ».
Dans le drame rwandais, les chefs du FPR a donc fort habilement utiliser cet art qui leur est séculaire, pour berner le monde entier en général et le monde occidental en particulier.

2.2 Créer impérativement une situation appropriée à l’intérieur du pays pour ses desseins.

Cette situation appropriée devait lui permettre de prendre des mesures originales et bien étudiées dans le sens des besoins de la cause. C’est ainsi que, il lui fallait :
· Obtenir une victoire militaire totale pour s’assurer d’un pouvoir sans partage. Ainsi la FPR aurait les mains libres pour faire ce qu’il veut quand il veut, et pour diriger le Rwanda comme il l’entend, sans devoir s’en référer à qui que ce soit. Toutes les négociations de cessez-le-feu et les Accords de Paix d’Arusha notamment, ne furent utilisés par ce mouvement que comme des artifices qui devaient lui permettre de mieux préparer sa guerre en vue d’une victoire ultime. Le côté gouvernemental, ausculté à la loupe par la Communauté internationale garante de ces négociations, se devait de croire dans ses accords et c’est ce qu’il fit.
· Appliquer la politique de « Terre brûlée » dans les zones conquises. Ceci avait pour objectif de casser tout le tissu socio-économique intérieur, de dépeupler des régions entières par le massacre systématique des populations et ainsi créer une situation de panique générale où chacun ne puisse trouver son seul salut que dans la fuite. Ce qui explique l’exode massif des Rwandais que le monde a observé tout le long de la guerre et qui atteignit son paroxysme en juillet 1994, lors de la victoire militaire du FPR. On trouva malheureusement à cette situation une explication facile : « l’embrigadement des réfugiés par leurs autorités politiques ». Après avoir massacré les déplacés intérieurs du pays illustré notamment par le carnage au camp de Kibeho, le FPR ne permettra jamais aux réfugiés dans les pays limitrophes de rentrer librement. Il lui faudra d’abord attaquer militairement les camps de réfugiés, faisant encore des massacres et générant des détresses inimaginables, et cela à un moment bien choisi pour réaliser son autre agenda caché, à savoir la conquête du pouvoir politique, économique et militaire au Zaïre, en évinçant le Président Mobutu. Ainsi d’une pierre, le FPR faisait deux coups.

2.3 Assurer la suprématie économique des Tutsi .

Cela fut rendu possible en organisant une paupérisation généralisée sur les masses populaires, essentiellement hutu, grâce à l’adoption et à l’application de mesures dont entre autres :
· Une remise en question de la propriété privée dès la victoire du FPR. A leur victoire, les conquérants firent en effet régner au Rwanda la loi de la jungle couplée d’un régime de terreur, de vengeance aveugle et de pillage. Dans ce contexte, tout devint butin de guerre, et on assista à une occupation sauvage des maisons dans les villes et à leur spoliation. De même, à la campagne jusqu’au fin fond sur les collines, les nouveaux venus s’approprièrent des terres immenses qu’ils considéraient comme ayant, jadis, appartenu à leurs aïeux. Par des campagnes d’intimidation, d’entretien de l’insécurité et de représailles gratuites, les gens furent obligés de quitter leurs maisons, leurs champs et leurs biens pour être parqués par milliers dans des camps de fortune. Sans infrastructure minimale, et leur étant formellement interdit d’aller cultiver leurs champs, beaucoup mouront en masse, victimes de faim, de soif, de maladie, de crétinisation... Les survivants de ces camps-mouroirs seront condamnés à y rester en habitat légalisé sous la forme de villages de fortune (Imidugudu).
· Une Politique de change monétaire très injuste de janvier 1995. Pour soi-disant mieux maîtriser le volume monétaire en circulation, le régime émit de nouveaux billets de banque respectivement de 500, 1.000 et 5.000 FRw. A ce propos, voici ce qu’en disent deux articles de « Kinyamateka »[8][9], un bimensuel rwandais créé en 1933. Les conditions de change imposées furent injustes, illogiques et inhumaines, avec une réelle volonté de déposséder la population d’un minimum d’épargne qu’elle aura pu se constituer des années durant. Ainsi, le change ne devait durer que deux jours, dans tout le pays, et même durant ce laps de temps, les centres de change tombaient à court de nouveaux billets, et la population perdait alors tout. Selon la réglementation établie à l’époque, on ne changeait pas en fonction du montant, mais plutôt en fonction de coupures correspondantes : un billet de 5.000 contre un nouveau billet de 5.000, un billet de 500 contre un nouveau billet de 500, etc. Et de cette façon, il n’y avait pas lieu d’échanger un billet de 5.000 contre 5 billets de 1.000, ou encore contre 10 billets de 500. Comme on l’a constaté, il y a eu pénurie de nouveaux billets dès le 1er jour, souvent dès les premières heures ; les gens virent leur richesse réduite à néant par une telle directive stupide mais mise en place à dessein. Dans les rares communes comme Taba dont on a pu avoir des données, seule 20 % de la population a pu faire le change. Dans certaines préfectures comme Cyangugu, les montants non échangés, mais déclarés, s’élevaient à plus de 500 millions de FRw. Il y avait donc de la part du régime une volonté manifeste de déposséder la population de ses avoirs pour l’appauvrir. Pire encore, le volume monétaire en circulation qui était de 11,5 Milliards de FRw en avril 1994, s’élevait à 13 Milliards de FRw après le change en mai 1995, alors que l’effectif global de la population avait diminué, et que pratiquement, seulement moins de 20 % de la population avait pu bénéficier de l’opération ; et là aussi, avec plafonnement de la somme qu’un ménage avait le droit de changer. Ce change avait donc une connotation du « Nous avons légalement volé ». C’est le principe des vases communicants ; ce qui a été enlevé au peuple est allé dans les poches des nouveaux maîtres du pays. D’ailleurs l’article termine en disant que cette opération de change était politique et que la Banque Nationale du Rwanda n’y avait pas un mot à dire sinon que de servir d’instrument.
· Des Tracasseries subies au quotidien par les Commerçants hutu. Le peu de Hutu exerçant encore le commerce sont quotidiennement objet de tracasseries administratives, surtout ceux qui se trouvent dans le secteur informel. Comme on le sait, dans tous les pays africains, avec les taux de sans-emplois qui y battent des records, ce secteur occupe la grande majorité de la population. Au Rwanda, ce secteur reste à la merci des rapaces du pouvoir ; les travailleurs de ce secteur se plaignent notamment de la prolifération des impôts et taxes non légaux dont ils sont constamment victimes.
· Une Réforme agraire et des privatisations sauvages de grands projets agricoles, dont l’inspiration actuelle ignore complètement l’intérêt général des citoyens, surtout ceux du bas peuple.

2.4 Au niveau socio-politique, museler la population, les partis politiques et la presse.

Au moment où le FPR a pris le pouvoir à Kigali, le Rwanda comptait autour de 16 partis politiques, dont les plus importants étaient le MRND, le MDR, le PSD et le PL. Les nouvelles autorités ont alors pratiqué une politique d’exclusion, d’intimidation et d’intolérance … et elles sont parvenues à faire disparaître tous les partis politiques d’envergure, ne tolérant que de petits partis de façade, qui, de gré ou de force, se sont laissés inféoder. Le système politique actuel, antidémocratique et complètement tyrannique, a été consacré dans la nouvelle constitution de 2003. En effet, désormais au Rwanda, les partis politiques sont contrôlés à travers une organisation dénommé « Forum des partis », lui-même piloté par le FPR, et qui a le droit d’imposer des sanctions ; la sanction pouvant aller jusqu’à ordonner la dissolution immédiate de tout parti politique non docile. La dissolution controversée du MDR juste avant les dernières élections, ou encore la récente condamnation de l’ex-Président de la République, Pasteur Bizimungu, à 15 ans de prison pour avoir eu l’idée de fonder un parti politique, en sont de bonnes illustrations.

2.5 Dominer le système judiciaire et en faire un outil politique de répression et d’intimidation.

Après sa victoire, le FPR, s’est félicité du démantèlement du tissu judiciaire rwandais, parce qu’alors, il allait gérer la justice comme il l’entendait, dans le sens qui favorise ses plans machiavéliques ; et ainsi il y eut :
· Assassinats des magistrats hutu. Durant les premières années de son règne, le FPR a procédé à l’assassinat systématique des magistrats qui avaient survécu du génocide, alors qu’en toute logique, il en avait besoin. Voir à ce propos le rapport de l’association des droits de l’homme « Centre de Lutte Contre l’Impunité et l’Injustice au Rwanda (CLIR) » du mois d’avril 1997 et le témoignage de Nkundiyaremye Alype[10], alors Président du Conseil d’Etat et Vice-Président de la Cours Suprême rwandaise, et qui venait de s’exiler en Belgique. Dans sa « Note sur la situation socio-politique du Rwanda actuel » daté du 24 juin 1999, M. Alype Nkundiyaremye parle notamment de « la note du Président de la Cours Suprême réclamant la révision de la Constitution, afin de lui permettre aussi de réaliser légalement l’épuration ethnique comme cela a été le cas dans d’autres secteurs ». Et de poursuivre : « Les enlèvements, les emprisonnement et les assassinats, qui sont devenus chroniques au Rwanda, sont opérés pour s’assurer des vacances de postes ».
· Une Justice bloquée volontairement et délibérément. Des magistrats expérimentés et neutres auraient pu être déployés dès janvier 1995 pour épauler la justice rwandaise et ainsi contribuer à désengorger les prisons. Malheureusement, le FPR qui n’en voulait pas, avait avancé l’argument de souveraineté en la matière pour les refuser. Une cinquantaine de magistrats de l’Afrique de l’Ouest étaient pourtant disponibles et avaient trouvé un financement. Face au refus du FPR, la Communauté internationale s’est plutôt mobilisée pour agrandir les prisons et en créer d’autres… qui à leur tour furent vite surpeuplées.
· Epuration ethnique par le biais des prisons-mouroirs couplées au blocage de la Justice. Le FPR préféra accuser tout Hutu de génocidaire, et sur-peupla les prisons tout en freinant volontairement et délibérément le processus judiciaire et en empirant les conditions de détention. Les conditions exécrables et inhumaines dans lesquelles vivent les prisonniers y rendent les taux de morbidité et de mortalité excessivement élevés. C’est de là que vient le nom de « Prisons-Mouroirs ».
· Manipulations et ingérences flagrantes du régime FPR au sein du TPIR. Le Régime FPR va user de pression, de chantages et de divers autres subterfuges pour s’ingérer dans le fonctionnement du TPIR et y dicter sa loi. Ainsi il pouvait faire condamner systématiquement tout inculpé hutu, même en absence de preuves. Martin Ngoga, nommé Représentant permanent auprès de ce Tribunal, n’y est pas allé par quatre chemins en déclarant :
« J’espère exercer une influence sur le Tribunal en vue d’améliorer sa performance… »[11]
Et de poursuivre : « Nous avons pris la décision de ne plus être spectateur, mais de rejoindre le Tribunal et d’opérer de l’intérieur… ».[12] (…) car le TPIR est un partenaire de notre système judiciaire dans la poursuite de la justice après le génocide.[13] ».
Les listes sauvages confectionnées par le régime FPR, et remises régulièrement à jour, conformément à la fameuse loi organique n° 8/96 du 30 août 1996, pour y inclure tout opposant politique potentiel vivant à l’extérieur dès qu’il est localisé quelque part, ont été adoptées par le TPIR. Ces listes constituent un pis aller hors norme judiciaire qui ouvre la voie à l’arbitraire. A ce propos, Stephen Smith relève un cas où « un Etat (occidental) refuse un statut de réfugié à un requérant parce que son Ambassade à Kigali l’informe que, certes, l’intéressé ne figure pas sur le registre de l’ignominie, mais que les autorités rwandaises font officieusement savoir qu’il « sera inclus sur la nouvelle liste en cours d’élaboration »[14].
Ainsi, par ce biais, le réfugié hutu ne se sentira jamais en paix nulle part. En effet, les listes du Gouvernement rwandais sont surtout destinées à l’usage externe (refus de visas, embauches, demandes d’asile, …), pour déstabiliser les réfugiés hutu rwandais et téléguider leur persécution à l’étranger. A titre d’exemple, M. Mwanza, responsable des Forces de Sécurité zambiennes, pour justifier l’arrestation arbitraire de près de 20 Rwandais qui avaient cherché refuge en Zambie, explique : « Nous considérons une liste conjointe préparée par le Gouvernement du Rwanda et les Nations Unies (ndlr : TPIR) ; et ceux que nous arrêtons, nous les garderons en détention jusqu’à ce que les Nations Unies (ndlr :TPIR) soient prêtes à les recevoir »[15].
Le cas de Madame Ntamabyariro Agnès, ancienne Ministre de la justice, illustre le niveau d’insécurité dans laquelle vit au quotidien le réfugié rwandais. Ayant cherché refuge en Zambie, elle fut kidnappée par la DMI (Directorate Military Intelligency) du régime FPR en 1996 avec la complicité des Services de Sécurité zambiens, et depuis lors, on est sans aucune nouvelle la concernant.
· Les Gacaca sont devenus des Tribunaux d’Exception. Les Gacaca du FPR constituent une juridiction tout à fait nouvelle, qui n’a rien à voir ni avec le Gacaca traditionnel, ni avec la juridiction moderne. Il n’est qu’un instrument en plus du pouvoir en place pour traquer les Hutu, les condamner et les déposséder de leurs biens par le biais des réparations. Ainsi, que dire du verdict dans le procès de Rilima qui s’est clôturé vendredi le 15 juin 2001, et dans lequel 126 pauvres paysans étaient accusés. A côté des diverses condamnations dont 30 à mort, « Le tribunal a ordonné en faveur de la partie civile des dommages totalisant 2,472 Milliards de francs rwandais, soit environs six millions de $ U.S.. Ceux qui ont été reconnus coupables (ils sont tous des simples paysans) doivent se mettre ensemble pour payer cette somme, de même que les frais de justice (194.000 FRw) et les droits proportionnels (98,9 Millions de FRw). »[16] Le tribunal a enfin ordonné que leurs biens soient saisis afin de servir à indemniser les victimes.
· Nostalgique du système de servage d’antan, le FPR veut le réinstaurer. En instaurant ces tribunaux populaires, le gouvernement FPR avance la volonté de désengorger les prisons, ce qui est faux. Au contraire, selon un reportage qui est passé au mois d’avril sur la RTBF1, des études des pays qui financent ce système de juridiction, dont la Belgique en tête, estiment que les Gacaca au Rwanda vont générer encore 500.000 prisonniers au moins, (tous hutu) ; de ce point de vue, la politique du gouvernement rwandais dans le système des Gacaca est ambigüe.
Avec le système des réparations à leur réclamer, on va aussi assister à la dépropriation légalisée et généralisée des Hutu de tous leurs biens , au profit de l’ethnie Tutsi. Ce qui reviendrait en fin de compte à une réinstauration de l’asservissement (UBUHAKE), un système qui prévalait au Rwanda sous la monarchie absolue Nyiginya, et auquel la révolution sociale de 1959 avait mis fin. D’ailleurs pour cela, la loi régissant les Gacaca a été complétée par une autre loi prévoyant une peine alternative à l’emprisonnement, et qui va aussi dans ce sens. Après avoir purgé une partie de la peine de prison, le détenu va sortir et passer le reste de sa peine (donc de sa vie) à l’exécution de travaux forcés en raison de 3 jours par semaine au profit des institutions publiques et parapubliques, et/ou au profit de toute personne à la charge de l’Etat (les rescapés entre autres). Il s’agirait en fait de la restauration du système de corvée (UBURETWA) en vigueur avant la révolution sociale de 1959.



3. Exclusion des moins nantis des villes en commençant par celle de Kigali.

3.1 Quand être pauvre dans son pays devient un crime !

Sous prétexte de pourchasser les « infiltrés » dans la capitale rwandaise, ou encore les personnes cherchant à échapper aux tribunaux spéciaux Gacaca (en réalité des tribunaux de vindicte populaire), le régime de Kigali a décrété ces derniers mois une mesure d’exception. Il a décidé que, désormais pour pouvoir visiter Kigali ou y résider, les ressortissants des autres provinces du pays doivent se munir, en plus de la carte d’identité, d’un certificat de bonne conduite, vie et mœurs, délivré par toute l’hiérarchie du pouvoir local (Nyumba kumi, cellule, secteur et district). Un délai allant jusqu’au 21 mai 2004 avait été accordé pour l’acquisition de ce document. Passé ce délai, quiconque ne possédait pas cette attestation était considéré comme un « infiltré ». Pourtant, les personnes ayant une adresse fixe dans la ville de Kigali qui se rendent dans les autres provinces rwandaises ne présentent, sur demande de l’autorités compétente, que leur carte d’identité. Ce qui constitue en soi une discrimination moralement inacceptable et viole la Déclaration universelle des droits de l’homme. En réalité, la mesure vise spécifiquement les pauvres de la capitale, globalement perçus comme une saleté, ou encore très souvent comme des criminels. Oui, il est devenu un crime d’être pauvre au Rwanda. Déjà dernièrement, lors de la tenue du sommet du NEPAD à Kigali, il a été constaté ce qui suit. Deux semaines avant l’ouverture du sommet, tous les taxis-vélos, - seul moyen de transport accessible aux moins nantis -, ont été interdits de circulation à Kigali. On ne pouvait pas entrer dans la capitale sans être bien habillé sous peine d’emprisonnement et surtout le port de babouches (Kambambiri) dans la rue était prohibé. Les enfants de la rue et les pauvres sans-emploi ont été tous ramassés pour être rassemblés et emprisonnés au centre de détention de Gitagata au Bugesera. Il était par ailleurs interdit aux femmes de porter des parures de fortune sur leur tête sous peine d’être arrêtées parce que, selon le régime, cela indisposerait certains de ses hôtes, etc. On parlait d’environ 6.000 personnes emprisonnées dans ces circonstances, et dont on espérait qu’elles seraient libérées à la fin du sommet. C’est pourquoi, dans la tête de la plupart de gens, un sentiment de révolte à l’encontre de ce sommet était perceptible.

3.2 Une politique délibérée, cynique et complètement irresponsable.

Le manque de terres cultivables et la baisse croissante de la productivité dans le secteur agricole incitent beaucoup de pauvres ruraux à quitter les campagnes pour chercher des opportunités d’emploi dans les villes, plus particulièrement dans la capitale. En cherchant à confiner les pauvres ruraux dans la misère des campagnes, les autorités du pays veulent institutionnaliser un apartheid économique déjà de fait et cacher les vrais problèmes au lieu de les régler. Elles cherchent des boucs émissaires pour cacher leur incapacité à combattre efficacement le banditisme armé devenu fréquent à Kigali et l'incapacité des autorités du régime FPR à combattre efficacement la misère abjecte dans laquelle vit la majorité de la population. Les provinces rurales sont alors considérées par les autorités comme des prisons à ciel ouvert pour les citoyens.
Mais alors, diverses questions se posent :
· L’obtention de ces attestations n’est pas gratuite ; en y ajoutant les autres frais annexes obligatoires (déplacements, séjours, etc), les autorités imposent des coûts financiers supplémentaires aux couches de la population les plus pauvres, ce qui peut être considéré comme une amende lourde et non justifiée.
· Vu le délai trop court accordé pour l’obtention de ce document, très peu de personnes ont pu l’obtenir. On peut donc prévoir les conséquences fâcheuses pour ceux qui n’en ont pas eu : pertes d’emploi, arrestations, meurtres, la voie de la clandestinité, et l’insécurité au sens large du terme.

Cette situation est d’autant plus préoccupante pour deux raisons :
· En parallèle à ce renforcement de contrôle policier envers les plus démunis, le régime organise des réunions avec les autorités locales (maires, conseillers et cellules) pour les sensibiliser à ne pas délivrer facilement ces attestations. Il s’agit alors d’une mesure politique délibérée, cynique et de mauvaise foi ! Ceci est rendu encore plus grave par le fait que dans les nouvelles cartes d’identité, le régime a décidé délibérément de ne pas y faire figurer le lieu de naissance. Il faut donc, surtout pour la population rwandaise d’avant 1994, de prouver d’abord où on est né, et ce n’est pas chose facile. En effet, le Rwanda est le seul pays au monde où la population n’a pas la mention de lieu de naissance dans ses pièces d’identité, ce qui est non seulement anormal, mais il y a aussi lieu de craindre les motivations inavouées de la part du régime FPR. Mais oui, le Rwandais peut ne pas être reconnu comme tel dans son propre pays ; et ainsi, il devient apatride.
· Cette mesure est intervenue dans un climat de préparation d’une nouvelle guerre à l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC). En effet, de retour de l’Afrique du Sud où il venait d’assister à l’investiture de son homologue sud-africain Thabo Mbéki, le Président Kagame déclarait lors d’une conférence de presse à Kigali le 30 avril 2004 : « Retourner au Congo n’est pas un tabou. Si cela s’avère nécessaire, nous le ferons en plein jour ». Quelques semaines après, une guerre éclata à l’Est de la RDC, à partir de la région de Bukavu.

L’invasion et l’occupation militaire de la RDC par l’armée de Kagame aidée des mouvements lui inféodés (RCD-Goma, FLEC : Front de Libération de l’Est du Congo, …) et qu’il a créés dans ce but, et le fait d’entretenir en général un état de guerre permanent, créent des situations qui permettent aux barons du régime de Kigali de continuer à piller la RDC, de camoufler les incompétences de son régime et de poursuivre indéfiniment la chasse à l’homme. Ce que fait le Président Paul Kagame au Rwanda et dans toute la région des Grands Lacs, surtout en RDC, incite à tout observateur avisé de se demander si ce monde a encore des institutions qui le régissent !


4. Sur le transfert au Rwanda des prisonniers du TPIR.

Le régime FPR au pouvoir à Kigali a toujours demandé le transfert des prisonniers du TPIR et de tous leurs procès au Rwanda, avançant comme mobile une plus grande efficacité, une justice plus équitable, etc. C’est ce que l’on peut appeler un mensonge caractérisé. En effet, il fait semblant d’oublier que lui-même avait refusé la mise en place de ce Tribunal pour le simple motif qu’il n’appliquerait pas la peine de mort, et voilà que, tout d’un coup, il s’adresse à ce même Tribunal pour réclamer que ses prisonniers purgent leurs peines d’emprisonnement au Rwanda. N’est-ce pas là peut-être le moyen de pouvoir leur infliger la mort que le système onusien ne peut pas appliquer ? A ce jour, il y a lieu de relever que le régime FPR n’a jamais fait preuve de bonne foi pour gérer un problème quelconque du Rwanda dans le sens d’un arrangement, ou encore d’arriver à une solution durable. Depuis le début de la guerre qu’il a déclenché le 1er octobre 1990, le FPR n’a jamais changé sa philosophie d’action qui peut se résumer dans la petite phrase : « Il faut que les plaies s’infectent ». Comme il est démontré dans les lignes qui suivent, plusieurs éléments plaident contre cette initiative malheureuse du TPIR d’accéder à la demande de Kigali.

4.1 Le FPR est le véritable responsable du Drame Rwandais.

Nous ne voulons pas énumérer ici tous les éléments de responsabilité du FPR dans le drame rwandais, mais il apparaît de plus en plus évident que des faits majeurs dans le Drame Rwandais ont été perpétrés par ce mouvement politico-militaire. Nous pouvons citer entre autres l’assassinat du Président J. Habyarimana, l’assassinat de Tutsi en masse durant la guerre et les massacres systématiques des Rwandais, Hutu, Tutsi et Twa confondus, notamment dans les préfectures de Byumba, Ruhengeri et Kibungo.

4.1.1 Assassinat du Président Habyarimana

Concernant l’attentat contre l’avion présidentiel dans lequel les présidents Juvénal Habyarimana du Rwanda et Cyprien Ntaryamira du Burundi, toutes leurs délégations et trois hommes d’équipage français, le journal « Le Monde »[17] a publié récemment les résultats du rapport final de l’enquête du juge d’instruction Jean Louis Bruguière. « Dans un rapport de 220 pages daté du 30 janvier 2004, et intitulé : « Résultat de l’enquête de la division nationale antiterroriste de la direction générale de la police judiciaire », le général Paul Kagame, ex-chef rebelle et actuel chef de l’Etat rwandais, est désigné comme le principal décisionnaire de l’attentat, en tête d’une liste de 10 officiers supérieurs du FPR et des deux « servants de missiles sol-air » tirés sur l’avion présidentiel, qui sont également identifiés. »
Or la relation entre l’attentat et le génocide rwandais n’est plus à établir, comme l’ont si bien relevé le Rapport de la Commission Sénatoriale Belge sur le drame rwandais, et le Rapport de Dégni Ségui, Rapporteur Spécial des Nations Unies sur le drame rwandais.
Pourtant, dans une interview au journal rwandais « Ubutabera » n° 76 du 6 décembre 1999, Mme Carla del Ponte, alors Procureur général du TPIR, avait déclaré au sujet de l’enquête sur l’assassinat du Président Habyarimana, qu’elle n’en mènerait pas sous prétexte qu’elle n’entre pas dans la juridiction du tribunal, persévérant ainsi dans la voie de Mme Louise Arbour, son prédécesseur au TPIR. Del Ponté a déclaré qu’elle devait seulement « enquêter sur le génocide, sur qui l’a programmé, organisé, planifié et exécuté. Pas sur qui a tué le Président ». Et de poursuivre ; « … et si demain, j’ai des preuves que ce sont les mêmes, je dois les donner aux autorités rwandaises, parce que c’est eux qui ont la compétence. »
Dans l’analyse que l’association « SOS Tabara – Help » a faite sur cette situation tellement ambiguë[18] et qu’elle a eu l’opportunité d’envoyer au Procureur du TPIR, elle lui demandait justement à qui elle remettrait le rapport des résultats d’enquête, si ceux-ci établissaient que les autorités rwandaises actuelles étaient elles-mêmes auteurs de cet attentat terroriste. Aucune réponse à ce sujet n’est jamais arrivée. En revanche, Madame la Procureur Del Ponté avait déclaré, le 17 avril 2000 au journal danois « Aktuel » que si l’attentat aurait été perpétré par le FPR, l’Histoire du génocide serait à réécrire. Del Ponté finira par être convaincue de la nécessité de faire aussi des enquêtes du côté FPR, sur cette assassinat terroriste notamment, pour pouvoir élucider le drame rwandais. Cela lui vaudra, malheureusement, d’être mise sur la touche, et le président Paul Kagame, avec le soutien de ses sponsors, finira par obtenir son limogeage du TPIR en septembre 2003. Selon la porte-parole de Del Ponté, Madame Florence Hartman, “The Rwandan government wants her replaced not for reasons of efficiency or effectiveness, but rather because she was being too effective”.[19] Toujours selon Florence Hartman, «L'objectif des autorités rwandaises est d'empêcher le procureur d'enquêter sur d'éventuels crimes commis par des membres de l'Armée patriotique rwandaise (APR) »[20]. Le 15 septembre elle fut remplacée, par un africain, le Gambien Hassan Bubacar Jallow.

4.1.2 Massacres des populations civiles.

Avant son entrée triomphale dans la ville de Kigali en juillet 1994, le FPR, partout où il est passé, a massacré systématiquement les populations, pour plus tard, attribuer ce carnage au régime hutu défait et déchu. Ainsi, concernant les massacres systématiques perpétrés par le FPR à l’Est du pays (préfectures de Byumba et de Kibungo) et dont les dépouilles se sont retrouvées au lac Victoria, Marcel Guérin et son épouse Gloria, citoyens belges et témoins oculaires en préfecture de Kibungo, région Nyarubuye, en avril 1994, ont décrit ces horreurs du FPR dans Africa International, N° 319, Novembre 1998, puis dans le Journal du Mardi, n°2. Dans ce dernier, ils déclaraient notamment : « Les soldats de l’APR se sont livrés à des massacres sans nom. Ils tuaient aveuglément tous ceux qu’ils rencontraient, hommes, femmes, enfants, Tutsi ou Hutu. L’odeur comme le spectacle étaient insoutenables. Il ne s’agissait pas de faits de vengeance isolés mais bien d’une véritable entreprise de destruction massive ! ».
De son côté Colette Braeckman, dans son livre « Les Nouveaux Prédateurs »[21] précisera, grâce à un témoignage recueilli auprès d’un Commandant ougandais, que lorsque les Autorités militaires ougandaises ont eu connaissance de ces forfaits macabres du FPR qui éliminait systématiquement les civils hutu dans les communes frontalières voisines entièrement sous son contrôle, et dont les dépouilles se retrouvaient au lac Victoria via la rivière Akagera, elles ont protesté auprès des autorités militaires du FPR (leurs anciens compagnons d’armes), mais celles-ci n’ont rien voulu entendre.
Notons aussi que le FPR est allé jusqu’à massacrer sciemment et délibérément des Tutsi que pourtant, selon ses dires, il était sensé venir protéger ; même ceux-là qui étaient venu lui prêter main forte sur le front n’ont pas été épargnés. Selon Jean Pierre Mugabe[22], les motifs de ces assassinats étaient : avoir fait des études, avoir des parents travaillant dans l’administration, avoir des amis dans la direction du pays ou encore avoir des proches parents ayant, jadis, été des dirigeants.
Ainsi, le président Kagame s’est servi de tous ces mensonges pour asseoir son régime et légitimer son pouvoir sur la scène internationale.

Alors que le FPR retient le pouvoir sans partage, son régime sera toujours caractérisé par la terreur, le massacre de la population et les disparitions, à tel point qu’un nombre non négligeable de personnalités importantes ne s’y retrouvant plus, ont opté pour l’exil. D’ailleurs, certaines d’entre elles ont été poursuivies à l’étranger pour y être assassinées. Petit à petit, la Communauté internationale finira par se rendre compte du mensonge auquel ne cesse de se livrer le régime FPR. C’est dans ce cadre que, toujours dans son livre, Collette Braeckman qualifie désormais les soldats du FPR de « Barbares Intelligents ». Selon elle, ils ont acquis beaucoup d’expériences macabres. « Ils ont déjà eu affaire aux commissions d’enquête, aux rapporteurs des droits de l’homme. Rappelez-vous, en 1996, ces 200.000 réfugiées hutu en fuite au Kivu (RDC), et dont on ne retrouva jamais les corps ou la trace… ». Parlant de ce qui s’est passé à Kisangani (RDC) elle poursuit : « Ici on ne comptera pas les morts, parce que les soldats réquisitionnent les civils pour qu’ils jettent dans le fleuve les cadavres qu’auparavant ils ont éventrés. Il paraît que les corps ainsi déchirés coulent à pic, ne remontant jamais à la surface ». Et de conclure : « De guerre en guerre les techniques se perfectionnent, n’est-il pas vrai ? (…) Ici, à Kisangani, les belligérants ont tiré les leçons de l’Akagera : les morts ne sont pas laissés à la disposition d’enquêteurs éventuels, on les fait soigneusement disparaître… Ceux qu’on ne jette pas dans l’eau, on les brûle, on les emporte en camion, on les jette quelque part dans la forêt… Les combattants ont appris à dissimuler les preuves de leurs crimes, à faire disparaître les corps… »

En tout cas, il faut être un barbare très intelligent pour pouvoir programmer voire planifier la tragédie sans nom qu’a connu le Rwanda, et pouvoir le dissimuler aux enquêteurs expérimentés, mandatés par la Communauté internationale. Bernard Lugan[23], expert auprès du TPIR, et parlant de la peine qu’a ce tribunal pour trouver une planification quelconque dans le drame rwandais, fait un constat amer.
« Dans l’état actuel des connaissances, comment l’historien peut-t-il donner une réponse scientifique à (toutes) ces questions (qui se posent) alors que le TPIR qui siège à Arusha et dont la mission est précisément de juger les planificateurs du génocide du Rwanda, n’a rien établi à ce sujet ? En dépit des condamnations prononcées, l’éventuelle chaîne de commandement de ce génocide n’a pas été mis en évidence, ce qui fait que la question de sa préméditation se pose chaque jour un peu plus.
Or, la jurisprudence du TPIR est tout à fait claire :
« pour qu’il y ait génocide, il faut le concours de deux éléments, en l’occurrence la mens rea, c’est à dire l’intention spécifique, et l’actus reus, à savoir l’acte ou l’omission prohibée (…). La Chambre estime que pour que le crime de génocide soit constitué, il faut que la mens rea requise existe avant la commission des actes (…). L’intention de « détruire un groupe national, ethnique, racial ou religieux comme tel » doit être constatée »[24]
Aujourd’hui le TPIR est dans une impasse. Il risque même d’apparaître davantage comme une instance politique que comme une sereine chambre de justice car son erreur fut méthodologique. Avant de juger les comparses, (…) le TPIR aurait dû commencer par démontrer la réalité, non pas du génocide car il a bien eu lieu, mais de sa planification. Or cela n’a pas été fait. D’où l’impression d’insatisfaction et même de malaise à la suite de certains jugements rendus souvent sous la pression de l’émotionnel génocidaire. »

L’une des explications plausibles, est que les diverses enquêtes n’ont porté que sur le seul côté gouvernemental. Dans ces conditions, il faudrait peut-être corriger le tir et mener aussi des enquêtes du côté du FPR. En tout cas ce mouvement politico-militaire est partie prenante du drame rwandais, et c’est ce qui pousse les avocats de la Défense au TPIR de mettre en garde le Tribunal du risque pour l’ONU de paraître « directement complices de la couverture des crimes du régime Kagame », et que permettre « un tel transfert (des prisonniers du TPIR) serait une abdication massive des Nations Unies ».
Les éléments relevés ci-dessus montrent à suffisance le caractère criminel, voire sanguinaire du régime de Kigali. Dès lors l’on peut se demander avec raison, s’il serait judicieux de confier, de la part de l’ONU (TPIR), les détenus d’Arusha à un régime pareil !!!

4.2 Des prisons mouroirs au Rwanda.

Au moment où le FPR a pris le pouvoir, la capacité maximale des prisons rwandaises était d’environ 6000 places. Or le Gouvernement du FPR a révélé qu’une population carcérale dans les prisons officielles, s’élève à 130.000 personnes. Certains y sont détenus depuis plus de 9 ans, 30 % au moins des prisonniers sont innocents et 60 % n’ont pas de dossiers, tous en attente d’un hypothétique jugement. Les conditions de vie dans ces prisons sont impossibles, parce que inhumaines, causant un taux de morbidité et de mortalité qui n’honorent pas la race humaine. On a même parlé de containers exposés au plein soleil, où étaient entassés des prisonniers attendant fatalement une mort certaine. Cette situation est bien connue de la Communauté internationale, dont le TPIR. Les organisations internationales de défense des droits de l’homme telles que Amnisty International, Human Right Watch, … n’ont jamais cessé de dénoncer cette situation en vain.

4.2.1 Des tentatives pour diminuer la surpopulation carcérale.

Des tentatives de mesures ont été proposées pour alléger un peu la souffrance de certaines catégories de prisonniers, en vain. Ainsi :
· Le CICR a aidé Kigali en construisant d’autres prisons pour diminuer le surpeuplement, mais le régime se sentit plutôt encouragé à faire encore plus d’arrestations pour les remplir aussitôt.
· Des propositions furent émises pour libérer les enfants, rien n’y fit puisque selon Amnesty International dans son rapport de 2001, « Parmi les détenus figuraient (encore) 4400 enfants de moins de dix-huit ans et de nombreuses personnes de plus de 70 ans. Plus de 450 enfants qui avaient moins de douze ans à l’époque du génocide, et qui avaient apparemment été lavés de tout soupçon de participation, se trouvent toujours en détention ».
· Même les rares prisonniers jugés et acquittés par les tribunaux n’étaient pas libérés. Seule la mort pouvaient être leur salut. Ainsi, l’hebdomadaire rwandais « Umuseso » paru dans la semaine du 22 novembre 2001, relate le cas du regretté Zacharie Banyangiriki, 72 ans, mort en prison le 1er novembre 2001. Près d’un an après son acquittement, il était toujours en prison. Sa femme et sa fille n’auraient jamais été autorisées à le voir, jusqu’au moment où la dépouille leur a été remise. L’enterrement eut lieu le 2 novembre 2001, dans son village natal. Le journal conclut en se posant la question : « Si l’Etat veut éradiquer la culture de l’impunité, celui qui a refusé que Zacharie sorte de prison sera puni par qui ? » .
Des cas similaires sont malheureusement légion au Rwanda ; condamné ou acquitté, le sort du prisonnier est et reste souvent inéluctablement le même : la mort. La réalité est que par les prisons, le FPR a trouvé un moyen efficace d’éliminer des centaines de personnes au quotidien en douceur et dans l’anonymat. La Communauté internationale est parfaitement au courant de tout cela et elle garde délibérément un silence complice.
· Evoquons, à nouveau, le cas de ces juges ouest-africains qui s’étaient mobilisés pour venir en aide à la justice rwandaise et qui avaient déjà obtenu un financement. Leur action devait contribuer à lever en partie la paralysie de la justice par manque de magistrats, et par conséquent contribuer à désengorger les prisons en rendant justice. Malheureusement, le régime FPR leur a opposé une fin de non recevoir.
Le désengorgement des prisons n’a jamais été une préoccupation du FPR, qui dans ses stratégies, doit régner par la terreur pour accaparer à lui seul tout le pouvoir et pouvoir le garder le plus longtemps possible ; et pour y parvenir il use de tous les moyens imaginables à sa disposition.

4.2.2 Une demande de transfert pour programmer la mort des prisonniers.

L’on ne le répétera jamais assez, le régime FPR ne respecte ni les droits de la personne humaine, ni la parole donnée. En faisant la demande du transfert des prisonniers du TPIR au Rwanda, il se soucie très peu de leurs conditions carcérales, mais au contraire, « par ces conditions de vie, il veut programmer leur mort certaine et qui arriverait fatalement par la nature des choses, une façon de contourner la peine de mort tout en étant sûr de l’arrivée imminente de celle-ci ». Déjà une polémique fait rage à Kigali à propos de la carence des soins de santé des rescapés, notamment ceux atteints du sida, alors que de l’autre côté, les prisonniers du TPIR bénéficient de tous les soins médicaux, et logent, selon Kigali, dans l’équivalent d’un hôtel à quatre étoiles. La Communauté internationale devrait plutôt :
· Aider le Rwanda à entretenir ses prisons en y créant un minimum de conditions de vie humaines ;
· Obliger le régime à libérer tous les innocents et tous les prisonniers sans dossiers ;
· Faire comprendre au régime de Kigali qu’à notre époque, même les animaux ont des droits, et qu’il est inacceptable de placer des êtres humains dans des conditions en deçà de celles des animaux.

4.3 Sur la justice rwandaise : elle est expéditive, vindicative et inefficace

4.3.1 Problématique de la Justice rwandaise.

La justice rwandaise n’est pas indépendante. Le FPR avec son Chef, le Général Paul Kagame, y nomme et y révoque qui il veux, quand il veut et comme il veut. Comme exposé au point 2.5, la justice est devenue un instrument en plus, à la disposition du régime pour la répression, et elle s’abat de façon implacable sur tout citoyen qui sort de l’ordinaire. Le droit de la défense y est muselé. L’imagination du FPR est très féconde pour trouver les moyens de dompter les masses populaires et ainsi les mettre à genoux : jugement en cohorte, délation institutionnalisée, système de faux-vrais et / ou de vrais-faux repentis, le divisionnisme, etc. L’ex-Président de la République, M. Pasteur Bizimungu, en a fait les frais. Après avoir passé deux ans en prison comme prévenu, il vient d’être condamné à 15 ans d’emprisonnement pour s’être opposé pour une fois à « la pensée unique » du pouvoir, en voulant quitter son ancien parti FPR pour en créer un autre qu’il avait baptisé du nom de Parti Démocratique pour le Renouveau (PDR-Ubuyanja). On peut aussi évoquer le cas du Colonel Stanislas Biseruka, un Hutu membre de l’Armée Patriotique Rwandais (APR). L’intéressé venait de purger une peine de trois ans de prison et le jour où il devait sortir, il s’est vu inculpé de trois nouveaux chefs d’accusation, à savoir la médisances envers le régime, l’appartenance à un parti d’opposition PDR-Ubuyanja et l’atteinte à la sécurité de l’Etat. Or étant en prison depuis 3 ans, monsieur Biseruka ne pouvait ni parler en public du mal du régime en place, ni appartenir à un nouveau parti politique vieux de seulement deux ans, ni intenter à la sécurité de l’Etat. Il aurait donc fait tout cela pendant son incarcération !!! Pour le FPR, le pays est peuplé de deux types d’hommes, à savoir les victimes et les bourreaux ; qui ne peuvent en aucun cas se réconcilier, et toute sa politique vise justement à entraver cette réconciliation. En effet la réconciliation des Rwandais ne pourra que sonner le glas du régime FPR. C’est pourquoi, que ce soient les Gacaca, ou encore le système judiciaire classique, la justice rwandaise est globalement gérée à dessein ; car, manifestement taillée sur mesure, elle n’est là que pour servir le régime au dépens de la population.

4.3.2 Le TPIR sous l’influence de Kigali.

Nous déplorons l’influence du régime FPR qui, depuis un certain temps, est allé grandissant au sein du TPIR, et dans ce contexte, la demande de transfert des prisonniers et/ou des procès de la part de Kigali et ses chances de succès ne peut étonner personne.
Déjà au mois de janvier 2002, Kigali avait demandé le transfert de certains procès du TPIR à Kigali, et apparemment, la réponse avait été favorable puisque Mme la Procureur Carla Del Ponté avait déclaré à ce propos que « Ce ne sont pas seulement les Rwandais qui sont impatients. Moi aussi c’est impatiemment que j’attends des décisions. J’aimerais bien pouvoir venir ici pour une audience en automne (2002). C’est mon idée depuis deux ans de pouvoir avoir des audiences ici à Kigali. La loi permet d’avoir des audiences en dehors du siège du tribunal (Arusha). Donc, dès que la salle est prête, on va présenter cette demande à la Cour »[25].
Pourtant, la justice rwandaise est loin d’être impartiale, transparente et équitable, conséquences logiques non seulement de sa destruction lors du génocide de 1994 et durant les premières années de règne FPR, mais aussi de son instrumentalisation par ces nouveaux dirigeants. Elle reste gangrenée par les dérives politiques totalitaires du Front Patriotique Rwandais (FPR) au pouvoir depuis sa conquête militaire du pays en juillet 1994, et par les syndicats des délateurs – pouvoir parallèle - regroupés dans des associations comme IBUKA (Souviens-Toi). Ainsi l’on peut affirmer sans ambages que la volonté de transférer les prisonniers ne serait qu’un prélude à l’exécution du projet de Carla del Ponté, à savoir la tenue des procès du TPIR à Kigali par la justice rwandaise. Sous l’influence du FPR, cela reviendrait à consacrer une amnistie totale à tous les crimes commis par ce mouvement politico-militaire, puisqu’on ne peut pas demander à un accusé de faire sa propre enquête d’inculpation. Le régime fasciste du FPR n’est donc pas encore digne de mériter la confiance de la Communauté internationale pour que le TPIR puisse transférer au Rwanda les prisonniers , ni les procès des inculpés.

Il faut noter aussi que le choix d’Arusha comme siège du TPIR a été motivé par des raisons fondamentales d’indépendance, d’objectivité et d’équité comme cela apparaît dans le rapport du Secrétaire Général de l’ONU :
[…]. «Although the international character of the Rwanda Tribunal is a guarantee of the just and fair conduct of legal process, it is nevertheless necessary to ensure not only the reality but also the appearance of complete impartiality and objectivity in the prosecution of persons responsible for crimes committed by both sides to the conflict. Justice and fairness, therefore, require that trial proceedings be held in a neutral territory »[26].
Or, à ce jour, ces conditions sont loin d’être réunies au Rwanda. Jusqu’à présent, le régime du FPR n’a nullement évolué vers une ouverture démocratique quelconque. Au contraire, la nouvelle constitution de 2003 a consacré une dictature fasciste d’un seul homme à travers son parti, le FPR, situation anachronique au 21ème siècle.


5. Conclusion

Nous avons essayé de brosser un synopsis de la réalité rwandaise, concernant notamment le système judiciaire et l’état des prisons. Cette réalité est bien connue de la Communauté internationale qui apparemment, au lieu d’aider le Rwanda à améliorer ses systèmes judiciaire et pénitentiaire, qui devraient évidemment évoluer en parallèle avec son système politique, semble plutôt le soutenir dans ses aventures. En effet, il ne suffit pas de donner des millions de dollars pour aider si on ne se soucie pas de l’utilisation de ces énormes sommes, et de l’assurance quant à la pérennité des réalisations financées par ces prêts, aides ou dons. C’est pourquoi, les pays donateurs devraient donner des injonctions claires et impératives, pour que le système politique intérieur évolue dans le sens où les citoyens voient leur sort s’améliorer sensiblement. Dans le cas contraire, cela reviendrait à financer les divisions, les tensions et finalement l’implosion du pays, conduisant fatalement à une tragédie pire que celle que le pays a connue dans les années 90.

Concernant le transfert au Rwanda, des prisonniers du TPIR, il faut arrêter ce projet cynique, pour des raisons suffisamment étayées ci-dessus. Il a été prouvé que les dirigeants du régime FPR ont trempé dans le génocide rwandais, et certains vont jusqu’à leur imputer la planification de cette tragédie. A ce propos, le professeur Pascal Ndengejeho, appelé comme témoin expert auprès du TPIR, a fait une analyse pertinente de la situation : « La question qu’il est difficile pour moi de trancher reste celle du génocide car s’il s’agit des massacres des Tutsi préparés et exécutés par des Tutsi à la recherche du pouvoir, peut-on parler de génocide ? »[27].
Ceci expliquerait peut-être pourquoi le TPIR n’a pas encore pu prouver cette planification. Mais il y a aussi lieu de se demander pourquoi le TPIR ne cherche pas à enquêter du côté du FPR, alors que chaque jour, des éléments de preuves crédibles impliquant au premier plan ce mouvement politico-militaire dans le drame rwandais, sont révélés à la Communauté internationale. N’est-ce pas peut-être une façon d’éviter de « réécrire l’histoire du génocide rwandais ? »

Concernant le renforcement du système policier dans le but de marginaliser les masses populaires, nous demandons à la Communauté internationale de faire pression sur le régime de Kigali afin que les libertés de mouvement, d’établissement et de parole soit garanties à tout citoyen, conformément non seulement à la Constitution, mais aussi à la Charte des droits de l’homme. Nous lançons ici un appel pressant à l’ONU, à l’Union Européenne, à l’Union Africaine et aux Etats membres, ainsi qu’à toutes les organisations humanitaires et de défense de droits de la personne humaine, pour qu’ils interviennent de toute urgence en faveur du peuple rwandais en détresse suite aux méfaits d’un régime aux abois.

Nous nous étonnons que la Communauté internationale n’aide pas à chercher une solution durable au mal rwandais comme elle s’active pour le cas de la RDC et du Burundi, surtout que le Rwanda semble être la source de tous les maux de la région. Les gens sont fatigués et les palliatifs ne peuvent plus tenir longtemps. L’Afrique centrale n’a jamais été aussi perturbée qu’actuellement. La situation ci-haut brossée, a montré que les dirigeants à Kigali se soucient peu des préoccupations de leurs citoyens. Certains observateurs avisés n’hésitent même pas à les qualifier de mafieux criminels et prédateurs. Ils constituent donc un danger, non seulement pour le peuple rwandais, mais aussi pour l’ensemble de la région. La Communauté internationale devrait s’impliquer davantage, en faisant notamment pression sur le régime de Kigali, pour qu’il accepte un « Dialogue Inter-Rwandais » hautement inclusif, préalable à l’organisation de la Conférence Internationale sur les pays de la région des Grands Lacs d’Afrique. Nous croyons profondément que les problèmes d’un pays ne peuvent pas être résolus de manière durable sans le concours de ses citoyens.

Fait à Bruxelles le 10 juillet 2004.

Pour SOS TABARA – HELP, asbl
Bède BICAMUMPAKA
Président


[1] AFP, 24/05/2004 ; « Une délégation du TPIR au Rwanda pour un état des lieux des prisons rwandaises. »
[2] AFP, 25/05/2004 ; « Les avocats de la défense au TPIR contre le transfert de détenus au Rwanda ».
[3] Amnisty International, Rapport 2001, p. 330.
[4] André PERRAUDIN ; « Un Evêque au Rwanda : Témoignage », p. 289, Editions Saint-Augustin, 2003.
[5] Colette Braeckman dans le journal « Le Soir », « Kagame nouveau « Mwami » et superstar », p. 8, 27 août 2003.
[6] Bernard Debré, « Le retour du Mwami. La vraie histoire des génocides rwandais. », Paris, Editions Ramsay, 1998.
[7] Stanislas Bushayija, « Aux origines du problème Bahutu au Rwanda », Revue Nouvelle, Tome XXVIII, N° 12 de décembre 1958, pp. 594-597.
[8] Journal KINYAMATEKA N° 1415, Mutarama, 1995, P 9, « Ivunjisha ry’inoti ntiryabaye cyoro. »
[9] Journal KINYAMATEKA N° 1423, Gicurasi, 1995, P 9, « Hari abaturage batavunjiwe nyamara amafaranga akoreshwa mu gihugu yariyongereye. »
[10] Nkundiyaremye Alype, « Plaidoyer pour l’arrêt de l’aide extérieur accordée au Rwanda », juin 1999.
[11] Agence Hirondelle du 15 octobre 1999.
[12] Journal UBUTABERA, n°73, du 25 octobre 1999, p 8.
[13] Thierry Cruvellier et Lars Waldorf dans Diplomatie Judiciaire du 23 juillet 2001.
[14] Stephen Smith dans le journal Le Monde du 8 juin 2001.
[15] La voix du réfugié rwandais, N° 04, octobre 1995. Edité à Nairobi par le Collège des Représentants des Réfigiés Rwandais.
[16] Fondation Hirondelle du 15 juin 2001.
[17] Journal « Le Monde » Edition du 10 mars 2004, p. 1 – 3.
[18] SOS TABARA – HELP, asbl, « Le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR) : Garant ou Parodie de la Justice International. », 05 Juin 2002.
[19] Shaun Waterman in United Press International, “U. N. To replace war court attorney.”
[20] Thiéry Oberlé, Le Figaro du 31 juillet 2003.
[21] Colette Braeckman, « Les Nouveaux Prédateurs : Politique des puissances en Afrique centrale » Editions Fayard 2003, p. 19.
[22] Jean Pierre Mugabe, s. d., « Mbwire Gen. Major Kagame Paul ku karubanda amarorerwa U Rwanda ruzize »
[23] Bernard Lugan, « Le génocide, l’Eglise et la démocratie », pp. 16-17, Editions ROCCER, Avril 2004.
[24] TPIR, Jugement Kayishema, 16/12/2003,pp. 1-2.
[25] Fondation Hirondelle, 17 janvier 2002
[26] Comprehensive report of the Secretary General on practical arrangements for the effective functioning of the International Tribunal for Rwanda, recommending Arusha as the seat of the Tribunal (42); S/1995/134, 13 February 1995 in The United Nations and Rwanda 1993-1996, p 465.
[27] Fondation Hirondelle du 10 février 2002.

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