Nikozitambirwa

Sunday, April 23, 2006

Rwanda 1964: Message du President Gregoire Kayibanda aux réfugiés rwandais - mars 1964

Tel que publié dans : RWANDA CARREFOUR D’AFRIQUE N° 31, MARS 1964


Mes chers Rwandais et Rwandaises réfugiés,

Au-dessus des soucis que la folie de certains d’entre vous me cause, quand, par des menées terroristes organisées de l’étranger, ils troublent leurs frères qui vivent en paix dans notre Rwanda démocratique et indépendant ;

Au-dessus de l’affliction que la malhonnêteté de certains d’entre vous Nous a causée en Nous traitant de génocide ;

Au-dessus de la peine que nous avons éprouvée lorsque des gens peut-être bien intentionnés ont mis à la disposition de vos manœuvres calomniatrices les instruments les plus modernes d’information ;

En dépit de tout cela nous avons estimé utile de vous adresser un salut fraternel, avec, avec l’espoir que beaucoup d’entre vous l’entendront.

Comment du Rwanda voyons-nous votre attitude dans son ensemble ? Comment le Rwanda juge-t-il vos comportements ? Quelle est surtout notre attitude à votre égard : trois questions au sujet desquelles je vais vous donner le point de vue de la République.

1. Certains d’entre vous en grand nombre ne demandent que la tranquillité pour se faire à leur état nouveau à l’étranger, s’installer et chercher des moyens pour faire vivre honorablement leur famille. Ils sont raisonnables et ce sont ceux-là que nous n’avons cessé d’inviter à rentrer au pays s’ils le veulent.

Certains d’entre vous ne se font pas à la vie à l’étranger et désireraient rentrer si l’atmosphère où ils vivent s’y prêtait. Nous sommes à leur disposition pour leur faciliter le retour pour autant que leurs démarches ne soient intégrées dans les menées subversives et terroristes comme celles de décembre dernier.

Nous savons que la plupart des membres de ces deux groupes sont partis en panique, d’autres sous la pression de sollicitations dont ils n’ont pu mesurer à temps le caractère mensonger et inhumain.

Nous savons aussi que les Bureaux régionaux du Haut Commissariat aux Réfugiés sont prêts à vous aider pour nous faire parvenir les données pratiques susceptibles d’aider nos services à adapter notre dispositif d’accueil.

2. Un petit nombre d’entre vous sont des fanatiques et ne peuvent pas mesurer les grands pas qu’a réalisés l’histoire du Rwanda et de l’Afrique depuis les derniers trois ans.

Ces féodaux impénitents se livrent à une propagande qui tend à convaincre que le régime mwami pourra être réinstauré : grave et si grave que non seulement le régime mwami est condamné définitivement, mais encore ceux qui, dans un aveuglement inouï persistent à « combattre pour le mwami » se condamnent à périr eux-mêmes.

Ces féodaux impénitents se livrent à des tromperies destinées à leur faire donner des sommes d’argent énormes soit-disant pour aider la cause prétendue nationaliste ou humanitaire et cet argent au lieu d’être utilisé à faire vivre les réfugiés, est employé à l’achat d’armes automatiques qui ne vaincront jamais une armée régulière et soucieuse du progrès du bien commun de la République.

Ces meneurs, dont mieux que moi vous connaissez la ruse et l’incivisme, vous font participer à des opérations qu’en démocratie vous condamneriez, et contre lesquelles vous pourriez réagir efficacement ; ils vous rendent des instruments d’un néocolonialisme qui prétend occuper la place laissée par les administrations coloniales d’antan. Vos peines dans les menées terroristes servent en réalité un néocolonialisme que l’Afrique condamne.

Les vies humaines qui, malgré notre vigilance, ont péri par terrorisme, ne gagnent rien à être couvertes par les bruits de vos calomnies à l’égard du Gouvernement de la République. Qui est génocide ? Posez-vous honnêtement la question et répondez-y du fond de votre conscience.

Les Tutsis restés au Pays qui ont peur d’une fureur populaire que font naître vos incursions sont-ils heureux de vos comportements ?

Qui est génocide ? Ceux qui vous appuient et financent vos menées terroristes et fratricides vous rappellent-ils aussi que les Bahutu ne se laisseront jamais malmener et qu’à vos coups ils n’entendent pas du tout opposer un héroïsme qui serait d’ailleurs de mauvais aloi ? Qui est génocide ?

D’où viennent les armes que vous employez à terroriser vos frères des frontières ? Pour quels buts vous sont-elles données ? Quelle assise africaine, sérieuse et constructive a jamais recommandé la lutte armée comme moyen de régler un différend si différend il y a ? Les difficultés que vos menées causent au Burundi et dans les pays qui vous avaient hébergés s’inscrivent-elles dans le cadre de la promotion de l’unité africaine ? N’aident-elles pas au contraire à réassujettir l’Afrique ?

Il arrive qu’entre vous, vous vous disputiez : examinez donc le motif de cette mésentente. N’est-ce pas le fond d’humanisme qui persiste toujours chez un grand nombre d’entre vous ? N’est-ce pas peut-être la colère des plus fanatiques qui ne supportent pas que l’argent collecté serve à nourrir et habiller une femme au lieu de servir à l’achat d’armes ! Que veut dire tutsi ? « Noble » comme dans le temps ? « Seigneur » comme dans la féodalité ? « Ethnie nomade et terroriste » comme vous tendez à le faire ? ou comme c’est actuellement « séide des forces anti-africaines » ! Quand tous les gens de bien auront ouvert les yeux et reconnu la méchanceté de vos manœuvres, tutsi ne gardera plus que le sens de « séide des forces anti-africaines » ou signifiera « ethnie nomade et terroriste ».

Venons-en à votre avenir et à vos enfants. Nous vous conjurons de penser à ces êtres innocents, qui peuvent encore être sauvés de la peine où vous conduisez votre groupe ethnique. Nous le répétons particulièrement à vous tutsi : votre famille vous impose des devoirs qui sont autre chose que les machinations où vous perdez votre temps et trahissez l’Afrique en terrorisant votre pays de naissance.

Ne croyez pas avoir rempli vos obligations civiques en laissant vos femmes et vos enfants de 15 ans dans vos rangs terroristes ! Encore une fois, qui est génocide ?

A supposer par impossible que vous veniez à prendre Kigali d’assaut, comment mesurer le chaos dont vous seriez les premières victimes ? Je n’insiste pas : vous le devinez, sinon vous n’agiriez pas en séides et en désespérés ! Vous le dites entre vous : « Ce serait la fin totale et précipitée de la race tutsi ». Qui est génocide ?

Certains d’entre vous –et quel cynisme !- comptent pour l’avenir sur les étudiants tutsi et les filles tutsi. Quel terrain votre terrorisme prépare-t-il à ces jeunes gens ? Quel est l’avenir de ces malheureuses coureuses dont la mission de noyauteuse de cabaret est tout simplement ridicule ? En matière d’espionnage vous avez encore à apprendre : vous fabriquez des loques humaines qui rendront votre défaite plus malheureuse et qui rendent plus sombre l’horizon de l’avenir des étudiants tutsi.

Et cette fin éventuelle, précipitée ou lente, doit faire réfléchir ceux d’entre vous qui ont encore un sens humain.

Quant à moi, en tant qu’Africain, en tant que votre Président tant que vous vous appelez Rwandais, je vous ai donné la solution la plus réaliste. Cette solution à votre situation se résume en ces quelques points :

1. Déposez les armes, remettez-les au néocolonialisme qui vous trompe, et reprenez les sentiments pacifiques.

2. Ceux qui veulent rentrer dans leur pays d’origine sont invités à rentrer : qu’ils s’adressent soit directement à nos services administratifs sociaux, soit au Bureau régional du Haut Commissariat aux Réfugiés. Nous lui avons indiqué les données dont nos services ont besoin pour le dispositif d’accueil.

3. Ceux qui veulent rester et s’établir dans les pays qui les ont hébergés, qu’ils s’établissent et obtempèrent aux lois de ces pays notamment en ce qui regarde la tranquillité publique. Nos services diplomatiques sont prêts à leur fournir toute l’aide possible par des démarches et des interventions auprès des autorités de ces pays.

4. Vos enfants, qui, dans l’enseignement supérieur et dans l’Université étudient avec la bourse octroyée ou cautionnée par le gouvernement, nous n’avons cessé de les encourager à revenir après leurs études servir la République. Nous avons adressé nos encouragements au bienfaiteur qui, touché par la misère de vos enfants, a instauré à leur intention un collège dans un pays voisin avec les autorisations des responsables de ce pays.

Nous vous invitons à ne pas gêner le service qu’il rend à votre progéniture.

Nous ne nous sommes pas trompés dans notre politique, quand dès les débuts du Gouvernement provisoire, en octobre 1960, nous avons invité, et notre Gouvernement et tous les Pays et toutes les instances internationales, à dépolitiser votre problème de Réfugiés.

La Révolution s’est faite violente à cause de vos leaders d’alors, en novembre 1959 : votre groupe a été vaincu. Le Referendum s’est fait sous les yeux des observateurs de l’ONU, votre groupe a été vaincu. Pendant que mon Gouvernement usait de tolérance à l’égard de l’aile opposant restée dans le pays, vous avez machiné d’employer la lutte armée ; vous avez chaque fois été vaincus et en même temps vous avez causé la perte de plusieurs vies humaines. Vous mettez en œuvre l’arme de la calomnie qui se retournera contre vous quand les directeurs d’agences et journaux se seront rendus compte qu’ils aident sans le savoir le terrorisme et la subversion.

Depuis le premier juillet 1962, la République Rwandaise est indépendante : ses institutions démocratiques et démocratiquement mises en place par la volonté du peuple restent dévouées au peuple, à tous les citoyens sans exception ni discrimination. La tranquillité publique a régné jusqu’au moment où vos incursions sont venues la troubler dans la partie méridionale du territoire. Le Pays dispose à son service, d’une Assistance technique dévouée et compréhensive, recrutée dans plusieurs pays amis de l’Europe. Le développement dans tous les secteurs de la vie nationale se poursuit. Et alors, que voulez-vous avec vos incursions terroristes ? Que voulez-vous quand sous la direction de gens inconscients vous boudez l’indépendance et le développement de la République ? A quoi aboutirez-vous quand indirectement vos manœuvres inutiles jettent de la brouille entre le Rwanda et le Burundi ? En quoi vos incursions terroristes résolvent-elles votre problème de réfugiés ?

Si vous aimez le Rwanda, suivez la politique que son gouvernement prône en matière de réfugiés et qui vous est rappelée dans les quelques points que je viens d’énumérer.

Le sens commun et la fraternité africaine vous invitent aussi à suivre la ligne que nous vous indiquons : revenez pacifiquement ou établissez-vous tranquillement dans les pays qui vous ont hébergés.

Nous avons estimé nous adresser directement à vous Réfugiés, à ceux d’entre vous qui ont encore de vrais sentiments d’humanité. C’est votre droit de savoir ce que nous pensons de votre attitude et nous pensons qu’au moment où des gens de bien croient pouvoir vous aider, les précisions que nous donnons viendront comme une contribution réelle à une action que nous espérons susceptible d’aider à l’amélioration des conditions de vie de vos familles et de vos adeptes. Ceux qui vous aident sont de deux groupes : rejetez ceux qui vous enseignent la guérilla et vous fournissent des armes pour le terrorisme ; écoutez ceux qui, avec nous, vous invitent à des sentiments pacifiques et à la tranquillité ; optez pour l’une ou l’autre des positions constructives du Gouvernement rwandais.

En tant que votre Président, je vous ai indiqué ces positions. Espérons qu’il n’est pas trop tard ; que vous vous remettiez dans la ligne de la paix qui est la ligne de l’Afrique et du Monde civilisé d’aujourd’hui.

Quant aux Tutsi qui vivent dans le pays, ils jouissent non pas évidemment du titre de « seigneurs à statut spécial » mais de tous les droits reconnus aux citoyens dans n’importe quel pays démocratique. Ne les trompez plus.

Vous pouvez savoir du reste que notre tolérance à l’égard des opposants a permis à votre terrorisme d’avoir des complices, soit dans la fomentation des troubles, soit dans la compilation des calomnies à notre égard dont une certaine presse s’est fait malheureusement l’écho. Que ces complices en soient punis, c’est normal, mais il sera mieux encore si vous ne les trompez plus, souvent par des manœuvres réellement inhumaines. A quoi vous serviront leur égarement, leur malheur ou l’entretien en eux d’inquiétudes qui sont causés uniquement par le terrorisme Inyenzi ? Vos dates, le 15, le 25 de chaque mois auxquelles vous dédiez vos incursions sont pour certains d’entre vos congénères un tourment quasi perpétuel. Mettez cela en relation avec vos haines personnelles, familiales, claniques : Bega et Bahindiro qu’en est-il au juste actuellement dans vos rangs ? De grâce, que personne ne continue d’insister sur ce qui peut diviser : cela ne fait que nuire à la démocratie authentique et au progrès des habitants de la République. Tout le Monde tend à l’union ; les diversités et les minorités sont respectées : la tolérance fait la loi ; c’est plus réaliste et plus constructif.

Ce que votre Président vous rappelle ici est réel. Même ceux qui ont fait de vous leur instrument de subversion néocolonialiste devraient m’écouter et revoir la disposition de leurs batteries. Ce que je vous rappelle est au-dessus des finances et des armes automatiques.

Je me suis exprimé à vous avec la franchise que vous me connaissez et que je vous dois dans la situation qu’est la vôtre.

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